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abandonnée, tout en ouvrant à deux battants leur porte au suborneur. Elles font plus, elles lui confient l’avenir de leur fille sous le couvert de l’écharpe municipale. Elles méprisent la lorette et la pensionnaire du lupanar, mais elles reçoivent ceux dont les vices, l’égoïsme et l’argent entretiennent ces deux plaies. Elles ne sentent pas que recevoir chez soi, le sachant, un homme qui a séduit et délaissé une fille, un homme qui entretient une lorette, ou un homme qui fréquente les lieux infâmes, c’est se rendre complice de leurs actes et de la dégradation, de l’oppression de leur propre sexe.

La jeune femme. Ah ! bon Dieu, si nous suivions vos principes, combien peu d’hommes nous devrions admettre dans notre société !

L’auteur. Soyez conséquente, Madame ; si vous ne vous croyez pas permis de recevoir une prostituée, vous ne pouvez logiquement vous permettre de recevoir le prostitué qui la paie. Les hommes seraient plus chastes, si les honnêtes femmes étaient plus sévères et élevaient leurs fils dans la chasteté, au lieu de répéter comme de cruelles idiotes : J’ai lâché mon coq, cachez vos poules. Il faut que les jeunes gens jettent la gourme du cœur. Ce qui, traduit en bon français, signifie : mon fils a le droit de prendre vos filles, et de traiter le sexe auquel j’appartiens comme un égout, ou comme un jouet qu’on brise sans scrupule.

La jeune femme. Vous reconnaîtrez, j’espère, que nous, femmes de la jeune génération, nous sommes moins inconséquentes que nos mères, puisque nous n’admettons pas deux Morales, mais une seule.

L’auteur. Oui, vous êtes plus logiques, mais vous manquez