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La jeune femme. Vous savez, Madame, que, pour justifier cela, on prétend que nous avons moins de besoins que l’homme ; puis que l’équilibre se rétablit dans le ménage par le gain supérieur de ce dernier.

L’auteur. Je connais ces prétextes inventés pour endormir la conscience ; mais vous, femme de la génération nouvelle, les acceptez-vous ?

La jeune femme. Non : car la femme, devant être l’égale de l’homme en tout, doit l’être dans le droit industriel comme dans les autres.

Il n’est pas vrai d’abord que nous ayons moins de besoins que l’homme : nous nous résignons mieux aux privations, voilà tout.

Il n’est pas vrai davantage que, d’une maniére générale, l’équilibre dans le ménage se rétablisse : il faudrait pour cela que toute femme fut mariée : or, on se marie de moins en moins, il y a donc beaucoup de filles, beaucoup de veuves chargées d’enfants ; une foule innombrable de femmes mariées à des hommes qui divisent leur gain entre deux ménages ou le dissipent au cabaret, au jeu, etc.

D’où il résulte qu’on rétribue moins une fille, une veuve, une femme abandonnée de son mari, parce que, dans le ménage, qui n’existe pas alors, l’équilibre se rétablit. Oh ! suprême bon sens !

L’auteur. Et comme la médiocrité de nos besoins et le magnifique équilibre dont on parie, n’existent que dans l’imagination, la femme réelle, trouvant que la faim et les privations sont des hôtes incommodes, se vend à l’homme et se hâte de vivre, parce qu’elle sait que, vieille, elle n’aurait pas de quoi manger. Et