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Voulant faire de votre élève une créature rationnelle, vous lui avez démontré que le seul objet de notre connaissance est ce que nous pouvons observer, soit en nous soit hors de nous ; que cet objet de l’observation externe ou interne, ne nous est connu que parce qu’il apparaît, c’est à dire est un phénomène ou bien une loi des phénomènes ; vous lui avez fait soigneusement distinguer les phénomènes physiques, ou d’observation externe, d’avec les phénomènes intellectuels et moraux, ou d’observation interne.

À mesure que sa raison se développera, vous lui ferez découvrir à elle-même que rien de ce qui occupe notre pensée n’est simple ; que tout, au contraire, est une synthèse. Pour les phénomènes physiques, rien ne lui paraîtra plus évident, puisqu’il n’y en a pas un qui ne soit une réunion de qualités ; pour nos phénomènes internes, cela ne lui sera pas plus difficile, parce qu’elle ne sera pas imbue d’idées métaphysiques : en effet, en se repliant sur elle-même pour s’examiner, elle conviendra que l’idée des corps se représente comme une synthèse ; que la plus simple des idées abstraites qui se rapportent à eux, se compose au moins de deux termes : ainsi elle ne peut songer à une couleur, sans songer en même temps à une portion d’étendue qui la supporte. Quant aux facultés intellectuelles et morales, elle avouera qu’elles n’existent pas hors d’une synthèse. Qu’est-ce, en effet, que l’imagination en dehors des images qui la manifestent ? La mémoire sans les choses qui la remplissent ? L’amour ou la haine sans un moi aimant ou haïssant, et la chose aimée ou haïe ? Qu’est-ce même que ce moi sans la suite des phénomènes de mémoire qui le constituent ?