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justice, de l’ordre et de la solidarité, une préparation à la tyrannie, et est le fond du caractère de l’esclave : garantissez avec soin vos élèves de cette débilité morale.

Jusqu’ici l’élève, n’étant qu’une égoïste, vous avez dû prendre pour mesure de ses actes envers les autres, l’amour qu’elle se porte à elle-même et lui donner pour critère cette maxime : fais ou ne fais pas ce que tu voudrais ou ne voudrais pas qu’on te fit. Elle ne s’est pas aperçue, qu’en défendant plus faible qu’elle, par exemple, si elle faisait en un point ce qu’elle voudrait qu’on fit pour elle afin de n’être point accablée, d’un autre côté, en frappant celle qui frappe ; elle lui fait ce qu’elle ne voudrait pas qu’on lui fit. Il est temps que vous réformiez ce que les maximes basées sur l’égoïsme ont de faux, en le transformant ainsi ; fais à autrui ce que tu trouverais juste et équitable qu’on te fît ; ne lui fais pas ce que tu trouverais injuste et inéquitable qui te fût fait. Sans cette transformation des maximes primitives, vos élèves ne comprendraient pas que la société se permit d’être justicière, ni qu’aucun de nous eût le droit et le devoir de l’être, quand la société n’est pas présente ou n’a pas pourvu.

Or, remarquez, Madame, que notre conception de la société exige impérieusement la modification que je vous indique. Les formules tirées de l’amour de soi étaient bonnes quand le pouvoir était cru délégué d’en haut, et la justice émanée de Dieu, dont le roi et le prêtre étaient les ministres : alors tout redressement appartenait à Dieu et à ceux qu’il avait commis à cet effet. Mais aujourd’hui nous savons que toute justice émane de nous, et que la société qui n’est que la collection organisée des individus qui