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ou la faire mourir de faim ? Une chose n’est mal que quand elle est contraire au Devoir, et elle n’a ce caractère que quand elle est la violation d’un Droit. Je ne comprends pas, s’il n’y a pas de Justice entre l’animal et nous, pourquoi l’on applaudit aux lois protectrices des animaux. Si les animaux n’ont pas de Droit, on viole celui de leur propriétaire, en réglant la manière dont il doit se servir de ces êtres sensibles.

Je sais que l’on explique ces lois par l’obligation d’empêcher l’homme de s’endurcir, et de le préparer à être bon pour ses semblables. On en a dit probablement autant des lois protectrices des esclaves. Mais la conscience qui est tout autant émue par le Sentiment qu’éclairée par la Raison, va plus loin sans le savoir elle-même. Si elle analysait, elle comprendrait que, sous toute loi de protection, il y a la reconnaissance implicite d’un Droit.

On peut m’objecter encore qu’en transportant la notion du Droit au delà de l’humanité, j’anthropomorphise les animaux et que, si je le fais, je suis tenue, pour être conséquente, de respecter leur vie, leur progéniture et l’exercice de toutes leurs facultés.

Je n’anthropomorphise pas les animaux : je n’assimile pas leur Droit au nôtre ; mais leur reconnaissant un Droit, admettant qu’entre eux et nous il y a Justice, je suis tenue de m’expliquer rationnellement la différence que je mets entre eux et nous sous le rapport du Droit, et de fixer le principe en vertu duquel je puis légitimement disposer d’eux et en éliminer. Alors je me dis : notre race est la Raison et la Justice du globe : c’est elle qui en a le gouvernement pour l’harmoniser : elle est aux autres créatures, ce que notre Raison et notre Justice personnelles sont à nos autres facultés.