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compromettre la cause du Progrès par l’extension du Droit à toutes les femmes.

La jeune femme. Personnellement, je suis de votre avis ; mais il faut prévoir et résoudre les objections qui pourront vous être faites par des femmes fort intelligentes : ces femmes là vous diront : songez-y, la négation du Droit est une iniquité, car c’est la négation de l’égalité et de la nature humaine. Il est aussi faux que dangereux de poser en principe la reconnaissance du Droit seulement dans la mesure où il est réclamé ; car il est notoire que ce ne sont pas, en général, les esclaves qui songent à réclamer leurs Droits : votre affirmation condamne donc l’émancipation des esclaves, des serfs, et le suffrage universel.

Ce que vous objectez contre le Droit, à l’occasion de l’incapacité des femmes, et du vilain rôle qu’elles joueraient, peut tout aussi bien l’être contre les hommes qui ne sont guère plus émancipés qu’elles ; qui sont souvent la doublure de leur femme ou de leur confesseur, ou n’ont d’autre opinion que celle de leur comité électoral.

Dans le Droit, comme en toute chose, il faut un apprentissage : les femmes s’en serviront d’abord mal, puis mieux, puis bien ; car c’est beaucoup plus en jouant d’un instrument qu’on apprend à s’en servir, qu’en en apprenant la théorie.

L’exercice du Droit donne de l’élévation, de la dignité, grandit l’individu dans sa propre estime, et lui fait étudier les questions qu’il aurait négligées s’il n’eût dû s’en mêler pour concourir à les résoudre. Voulez-vous donc que les femmes prennent à cœur les intérêts généraux ? Donnez-leur le Droit politique.

Voilà, Madame, ce que l’on pourra vous objecter.