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de bons penchants et pourquoi, loin de les respecter, la soeiéié en punit la manifestation.

Tu leur as démontré, je pense, qu’il n’y a rien de respectable dans l’exagération ou la perversion des penchants.

Tu leur as démontré, je l’espère, que la nature est une fatalité brutale contre laquelle nous sommes tenus de lutter en nous et hors de nous ; que notre Justice et notre vertu ne se composent que des conquêtes faites sar elle en nous ; comme tout ce qui constitue notre bien-être physique, n’est que le résultat des conquêtes faites sur elle hors de nous.

Ces sophistes t’ont dit que l’amour vient et s’en va sans qu’on sache ni comment, ni pourquoi ; qu’on ne peut pas plus lui commander de naître que de durer.

Ceci est vrai, mon fils, du désir brutal de la chair, qui n’est que la passion des brutes et s’éteint par la possession.

Ceci est encore vrai de cette passion complexe qui a son siège dans l’imagination et dans les sens, et finit avec l’illusion toujours peu durable.

Mais cela n’est pas vrai de l’amour proprement dit. Celui-là voit les défauts et les qualités de l’être aimé ; seulement il pâlit les premiers et exalte les dernières ; et il espère faire cesser peu à peu ce qui le blesse.

Ce sentiment qui remplit le cœur est patient ; il craint de s’effacer ; il s’entoure de précautions pour demeurer constant ; s’il s’éteint, ce n’est pas sans qu’on le sache : car on souffre de cruelles tortures avant de se résoudre à ne plus aimer.

On t’a dit que l’amour est incompressible : sommes-nous donc des êtres de fatalité ? Ce sophisme rend l’homme lâche, le