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sir résultant de la satisfaction d’un besoin tout physique : il ne se souciait pas du but le plus évident : la progéniture. Un peu plus tard, l’homme, moins grossier, aima la femme pour sa beauté et sa fécondité : c’est l’âge patriarcal de l’amour. Plus tard encore les races septentrionales transformèrent cet instinct : l’amour se décomposa, si je pois ainsi dire : l’amant eut l’amour de l’âme ; la femme fut aimée non seulement pour sa beauté, mais comme inspiratrice de hauts faits : l’époux n’eut que le corps et les enfants furent le fruit du mariage : c’est l’âge chevaleresque de l’amour. Depuis que le travail pacifique s’est organisé et a prévalu dans l’opinion, l’amour est entré dans une nouvelle phase : beaucoup de modernes le considèrent comme initiateur du travail. Les uns regardent l’attrait du plaisir comme jouant le principal rôle dans la production industrielle, et laissent toute liberté à l’attraction, quelque inconstante qu’elle puisse être ; d’autres conservent le couple, transforment la femme en mobile d’action : c’est l’amour qu’elle inspire qui excite les efforts du travailleur.

Ce qui est donc acquis jusqu’ici à l’humanité, c’est que l’amour a pour fin la perpétuité de l’espèce, la modification de l’homme par la femme et la production du travail.

Dans un idéal supérieur de Justice, les sexes étant égaux devant le Droit, l’amour aura un but plus élevé : les époux se réuniront parce qu’il y aura conformité de principes, union des cœurs, mariage des intelligences, travail commun : l’amour les unira pour doubler leurs forces, pour les modifier l’un par l’autre : du choc de leur cœur, jailliront dés sentiments qu’aucun d’eux n’aurait eus seul ; de l’union de leur intelligente, naîtront des