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que cet usage ne nuit pas à la pratique de la Justice, qu’il ne lèse en nous le droit d’aucune faculté, c’est à dire qu’il ne trouble pas plus notre harmonie individuelle que celle d’autrui ; car c’est dans ces conditions seulement qu’il peut concourir à la réalisation de l’idéal social.

La mère. Très bien. Maintenant appliquez cette doctrine générale à l’amour humain, mes enfants.

Le fils. Puisque l’amour est une des formes de l’attraction, et que le but général de l’attraction est la production, le progrès, la conservation des êtres et des espèces, il est évident que l’amour humain doit avoir ces caractères. Sa principale fonction me parait être la reproduction de l’espèce.

La fille. Il me semble, frère, que tu lui fais une part insuffisante, puisque, ce but rempli, deux honnêtes époux ne cessent pas de s’aimer, et que l’on peut s’aimer sans avoir d’enfants.

La mère. Tu as raison, ma fille ; nos facultés étant plus nombreuses, plus développées que celles des animaux, notre amour ne saurait être incomplet comme le leur ; il ne saurait non plus être le même dans notre espèce progressive que dans les espèces fatales et improgressives par elles-mêmes. Chez nous, chaque faculté, convenablement employée, aide au perfectionnement de toutes les autres ; mal employée, rompt notre harmonie et nous fait descendre : il en est de même de notre amour. Que dis-je, cette passion est surtout celle qui nous fait grandir ou déchoir.

Vous le savez, mes enfants, l’humanité ne s’avance qu’en se formulant un idéal de perfection et en s’efforçant de le réaliser. Chaque passion a son idéal qui se modifie par celui de l’ensemble. À l’origine, l’homme animal donnait pour but à l’amour le plai-