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sache le bien encore, c’est nous qui portons le poids des fautes de l’homme et des nôtres : les promesses verbales et écrites d’un homme ne l’engagent pas. Si, te laissant entraîner, tu devenais mère, l’enfant resterait à ta charge : il n’y aurait plus de mariage pour toi : je ne te parle point de notre douleur et de notre honte, ni des risques terribles auxquels tu exposerais ton frère, qui pourrait périr en punissant le vil séducteur que la loi ne punit pas. Si donc un homme te recherchait en se cachant de nous, c’est que ses intentions sont mauvaises, sois-en sure ; c’est qu’il te considère comme un hochet qu’il se propose de briser quand il ne lui plaira plus. Or, ma fille, tu sais que la femme est créée pour être la digne compagne de l’homme, son égale ; qu’elle n’est pas née pour lui être sacrifiée comme un objet de plaisir. Bien loin donc de te laisser séduire, profite de l’influence que ta jeunesse et ta grâce te donnent sur les hommes pour les rappeler à leurs devoirs : tu sauveras peut-être ainsi plusieurs femmes ; tu donneras de ton sexe, une meilleure opinion, et tu prépareras un bon exemple à ta fille en le donnant à tes compagnes, dont plusieurs le suivront afin de partager l’estime qui t’entourera : rappelle-toi toujours qu’aucun de nos actes ne nuit pas qu’à nous-mêmes ; mais que nous sommes solidaires ; qu’en conséquence, nul ne peut se perdre ni se sauver seul.

Encore un mot, mon enfant. Dans tes incertitudes, n’hésite pas à venir me confier ce qui te trouble : ne dis pas : ma mère est trop raisonnable pour que je lui fasse part de cela. N’est-ce pas en me refaisant enfant pour te comprendre, que j’ai pu

remplir ma sainte tâche d’éducatrice ? sois persuadée qu’il ne me

T. II.
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