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en donne une mauvaise opinion, puis parce qu’elle est l’ennemie du repos des autres femmes : je te sais trop simple, trop vraie, trop digne, pour craindre de te voir tomber dans de pareils écarts.

Tu m’as avoué que ta jeune imagination rêvait un homme.

Bien loin de chasser cet idéal, aie-le toujours présent à ton esprit, beaucoup moins sous son aspect physique que sous celui de l’intelligence, de la moralité, du travail. Cette image-là te préservera mieux que tous mes conseils, que toute la surveillance que je pourrais, mais ne voudrai jamais exercer, parce que ce serait indigne de toi et de moi.

N’oublie pas toutefois qu’un idéal est un absolu ; que la réalité est toujours défectueuse : ne cherche donc pas dans l’homme auquel tu donneras ton cœur, un idéal réalisé ; mais les qualités et facultés qui lui permettront, avec ton aide, de se rapprocher de ce que tu désires le voir. Toi-même es l’idéal d’un homme, non telle que tu es, mais telle qu’il t’aidera à devenir.

J’insiste sur ce point, ma fille, parce que rien n’est plus dangereux que de prétendre trouver l’idéal dans la réalité : cela nous rend trop difficiles, peu indulgents ; et si nous avons l’imagination vive et peu de Raison, nous rend malheureux et nous entraîne dans mille écarts.

Tu sais et sens que le but de l’amour, c’est le Mariage : or un de tes devoirs d’amante et d’épouse, est le perfectionnement de celui auquel tu seras liée. Tu seras avec lui dans deux rapports différents : d’abord sa fiancée, puis son épouse. Ta puissance modificatrice, dans le premier cas, s’exercera en raison directe du désir qu’il aura de te plaire et de te mériter ; dans le second,