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traité ; si vous lui aviez bien inculqué qu’il n’y a qu’une morale, à laquelle les deux sexes sont également astreints d’obéir ; si vous lui aviez fait honorer, aimer et pratiquer le travail ; si vous lui aviez dit que nous vivons pour nous perfectionner, pratiquer la Justice et la Bienveillance, et rendre à l’humanité ce qu’elle fait pour nous en nous protégeant, nous éclairant, nous moralisant, nous entourant de sécurité et de bien-être ; qu’enfin notre gloire est de nous soumettre à la grande loi du Devoir.

Si vous l’aviez ainsi élevé, Madame, en surprenant chez votre fils les premiers signes du vif attrait que l’homme éprouve vers l’autre sexe, bien loin d’abandonner aux hasards de l’inexpérience l’éducation de cet instinct, vous feriez ce que vous avez fait pour les autres : vous apprendriez au jeune homme à le soumettre à une sage discipline.

Au lieu de répéter cette parole niaisement atroce : il faut que les jeunes gens jettent la gourme du cœur, vous prendriez affectueusement les mains de votre fils et, les yeux fixés sur les siens, vous lui diriez : Mon enfant, la nature veut qu’une femme t’attire désormais plus que moi, et maintienne ou détruise ce que j’ai si laborieusement élevé : Je n’en murmure pas : il faut que les choses soient ainsi. Mais ma tendresse et mon devoir exigent que je t’éclaire en cette grave circonstance. Dis-moi, si un jeune homme, pour satisfaire l’instinct qui s’éveille en toi maintenant, corrompait ta sœur, sacrifiait sa vie, que penserais-tu de lui ? Que ferais-tu ?

Le jeune homme, habitué dès l’enfance à pratiquer la Justice, ne manquerait pas de répondre : je penserais qu’il est pervers et

lâche… Est-ce qu’on ne le punirait pas, ma Mère ?

T. II.
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