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et l’on réussit en général si bien que l’opprimé, qui s’ignore, se croit réellement de pâture inférieure, se résigne à ses fers et va jusqu’à s’indigner de la révolte de ceux de sa série qui sont trop énergiques et personnels pour n’avoir pas réagi contre ce que l’imbécillité sociale prétendait faire d’eux.

La troisième iniquité est de se servir de l’état d’abaissement où l’on a réduit l’opprimé pour le calomnier et nier ses droits : on s’écrie : regardez : Voilà le serf ! Voilà l’esclave ! Voilà le nègre ! Voilà l’ouvrier ! Voilà la femme ! Quels droits voulez-vous reconnaître à ces natures inférieures et débiles ? Ils sont incapables de se connaître et de se régir : nous devons donc penser, vouloir et gouverner pour eux.

Eh ! non. Messieurs, ce ne sont pas là des hommes et des femmes ; ce sont les tristes produits de votre égoïsme, de votre affreux esprit de domination, de votre imbécillité…… S’il y avait des dieux infernaux, je vous y dévouerais sans pitié et de tout mon cœur ! Au lieu de calomnier vos semblables pour conserver vos privilèges, donnez leur l’instruction, la liberté ; alors seulement vous aurez le droit de vous prononcer sur leur nature : car on ne peut connaître la nature d’une créature humaine que lorsqu’elle se développe en toute liberté dans l’égalité.

J’ai justifié, je crois, ma répugnance à donner une classification des sexes, et par l’impossibilité d’en établir actuellement une raisonnable, et par la crainte bien légitime de l’usage qu’on en ferait.

Mais on m’objectera, non sans raison, qu’il faut une classification pour la pratique sociale.