Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/84

Cette page a été validée par deux contributeurs.
60
MARIA CHAPDELAINE

quatre Chapdelaine et d’Edwige Légaré, de leur bataille contre la nature barbare et de leur victoire de ce jour. Elle distribua les louanges et proclama son légitime orgueil, cependant que les cinq hommes fumaient silencieusement leur pipe de bois ou de plâtre, immobiles comme des effigies après leur longue besogne : des effigies couleur d’argile, aux yeux creux de fatigue.

— Les souches sont dures, prononça enfin le père Chapdelaine, les racines n’ont pas pourri dans la terre autant que j’aurais cru. Je calcule que nous ne serons pas clairs avant trois semaines.

Il questionnait Légaré du regard ; celui-ci approuva, grave.

— Trois semaines… Ouais, blasphème ! C’est ça que je calcule aussi.

Ils se turent de nouveau, patients et résolus comme des gens qui commencent une longue guerre.

Le printemps canadien n’avait encore connu que quelques semaines de vie que l’été du calendrier venait déjà et il sembla que la divinité qui réglementait le climat du lieu donnât soudain à la marche naturelle des saisons un coup de pouce auguste, afin de rejoindre une fois de plus dans leur cycle les contrées heureuses du sud. Car la chaleur arriva soudain, torride, une chaleur presque aussi déme-