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— Non, monsieur Chapdelaine, je n’ai pas gardé la terre. Quand le bonhomme est mort j’ai tout vendu, et depuis j’ai presque toujours travaillé dans le bois, fait la chasse ou bien commercé avec les Sauvages du grand lac à Mistassini ou de la Rivière-aux-Foins. J’ai aussi passé deux ans au Labrador.

Son regard voyagea une fois de plus de Samuel Chapdelaine à Maria, qui détourna modestement les yeux.

— Remontez-vous aujourd’hui ? interrogea-t-il.

— Oui ; de suite après dîner.

— Je suis content de vous avoir vu, parce que je vais passer près de chez vous, en haut de la rivière, dans deux ou trois semaines dès que la glace sera descendue. Je suis icitte avec des Belges qui vont acheter des pelleteries aux Sauvages ; nous commencerons à remonter à la première eau claire, et si nous nous tentons près de votre terre, au-dessus des chutes, j’irai veiller un soir.

— C’est correct, François ; on t’attendra.

Les aunes formaient un long buisson épais le long de la rivière Péribonka ; mais leurs branches dénudées ne cachaient pas la chute abrupte de la berge, ni la vaste plaine d’eau glacée, ni la lisière sombre du bois qui serrait de près l’autre rive, ne laissant entre la désolation touffue des grands arbres droits et la