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vint, comme si c’était là une nouvelle révélation inattendue.

Elle pourrait vivre ainsi ; seulement… elle n’avait pas dessein de le faire… Un peu plus tard, quand ce deuil serait fini, Lorenzo Surprenant reviendrait des États pour la troisième fois et l’emmènerait vers l’inconnu magique des villes, loin des grands bois qu’elle détestait, loin du pays barbare où les hommes qui s’étaient écartés mouraient sans secours, où les femmes souffraient et agonisaient longuement, tandis qu’on s’en allait chercher une aide inefficace au long des interminables chemins emplis de neige. Pourquoi rester là, et tant peiner, et tant souffrir, lorsqu’on pouvait s’en aller vers le Sud et vivre heureux ?

Le vent tiède qui annonçait le printemps vint battre la fenêtre, apportant quelques bruits confus : le murmure des arbres serrés dont les branches frémissent et se frôlent, le cri lointain d’un hibou. Puis le silence solennel régna de nouveau. Samuel Chapdelaine s’était endormi ; mais ce sommeil au chevet de la mort n’avait rien de grossier ni de sacrilège ; le menton sur sa poitrine, les mains ouvertes sur ses genoux, il semblait plongé dans un accablement triste, ou bien enfoncé dans une demi-mort volontaire où il suivit d’un peu plus près la disparue.

Maria se demandait encore : Pourquoi rester