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route ; mais ils arriveront pareil. Un prêtre qui apporte le Saint-Sacrement, c’est fort !

Ses yeux doux étaient remplis d’une foi sans borne.

— C’est fort, un prêtre qui apporte le Saint-Sacrement, répéta-t-il. Voilà trois ans passés, on m’avait appelé pour soigner un malade en bas de la rivière Mistassini ; j’ai vu de suite que je ne pouvais pas le guérir, alors j’ai dit qu’on aille quérir un prêtre. C’était la nuit et il n’y avait pas d’hommes dans la maison, vu que c’était le père qui était malade de même, et que les garçons étaient tous petits. Alors j’y ai été moi-même. Il fallait traverser la rivière pour revenir ; la glace venait de descendre — c’était au printemps — et il n’y avait quasiment pas un seul bateau à l’eau encore. Nous avons trouvé une grosse chaloupe qui était restée dans le sable tout l’hiver, et quand nous avons essayé de la mettre à l’eau elle était si enfoncée dans le sable, et si pesante, qu’à quatre hommes nous n’avons seulement pas pu la faire grouiller. Il y avait là Simon Martel, le grand Lalancette, de Saint-Méthode, un autre que je ne me rappelle plus et moi, et à nous quatre, halant et poussant à nous briser le cœur en pensant à ce pauvre homme qui était en train de mourir comme un païen de l’autre bord de l’eau, nous n’avons seulement pas pu grouiller cette chaloupe-là d’un quart de pouce. Eh bien, M.