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Elles palpèrent les membres et le corps de la mère Chapdelaine avec des précautions infinies, sans lui arracher un seul cri de douleur, et après cela il resta longtemps immobile, assis près du lit, la contemplant comme s’il attendait qu’une intuition miraculeuse lui vînt.

Mais quand il parla, ce fut pour dire :

— Vous avez-t-y appelé le curé ? Il est venu… Et quand c’est qu’il doit revenir ? Demain : c’est correct.

Après un nouveau silence, il avoua simplement :

— Je n’y peux rien… C’est une maladie dans le dedans du corps, que je ne connais pas. Si ç’avait été un accident, des os brisés, je l’aurais guérie. Je n’aurais rien eu qu’à sentir ses os avec mes mains, et puis le bon Dieu m’aurait inspiré quoi faire, et je l’aurais guérie. Mais ça, c’est un mal que je ne connais pas. Je pourrais bien lui poser des mouches noires sur le dos, et peut-être ça lui tirerait le sang et que ça la soulagerait pour un temps. Ou bien je pourrais lui donner une boisson faite avec des rognons de castor ; c’est bon pour les maladies de même, c’est connu. Mais je ne pense pas que ça la guérirait, ni la boisson, ni les mouches noires.

Il parlait avec tant d’honnêteté, et si simplement, qu’il faisait sentir à tous ce que c’était que la maladie d’un corps humain : un phéno-