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se traduisaient spontanément, dans son esprit, en récits fidèles et en rythmes harmonieux. Rien de convenu chez cet indépendant, qui fuit les villes pour demeurer lui-même. Mais, à travers l’aisance et la familiarité du style, une parfaite justesse d’expression, une élégance discrète et soutenue, une proportion heureuse des développements, une fusion intime du mot, de l’image, du fait et de l’idée, qui révèlent à chaque pas l’écrivain doué et l’artiste diligent.

Il publia de nombreux articles dans le journal « L’Auto ». Il y réalise, en se jouant, cette alliance de la gymnastique et de la musique, dont un Platon faisait l’essence de l’éducation humaine.

Il publia dans le journal « Le Temps » une nouvelle anglaise : Lizzie Blakeston, qui est une merveille d’observation.

Le présent récit diffère assez des précédents pour montrer que le talent de Louis Hémon était riche et varié. Mais nulle part il n’a traité son sujet avec autant de curiosité et de sympathie. Rien, dans cet ouvrage, qui paraisse destiné et mettre en lumière la personnalité de l’auteur. C’est, ici, la nature qui se décrit elle-même, ce sont les personnages qui vivent à leur manière, et qui s’expriment dans leur langue délicieusement naïve. Et l’on observe, avec une émotion étrange, l’union intime de ces vies humaines avec la nature au sein de laquelle elles s’écoulent. Comment l’homme pourrait-il se détacher d’une nature aussi rude, aussi inclémente, qui ne lui laisse pendant l’année que quelques jours de libre action en plein air ? La neige, le froid, le vent, les torrents déchaînés l’assiègent, l’isolent, et lui imposent une lutte presque sans trêve. Sa vie s’emploie à vivre. Et pourtant, dans son cœur, jaillit la poésie, et, parmi les soucis les plus matériels et les plus pressants, l’idéal amour s’épanouit.

L’intention bien arrêtée de Louis Hémon est de s’effacer constamment devant son sujet ; mais, dans