PRÉFACE
En tout temps la lecture de ce récit, d’une réalité si saisissante, d’une rare délicatesse morale, nous eût vivement touchés. À cette heure, où nos frères du Canada viennent, avec enthousiasme, mêler leur sang au nôtre pour défendre la mère commune, nous en ressentons une émotion profonde. Les Canadiens français, ai-je appris, se reconnaissent très particulièrement dans ces pages simples et sincères. Mais n’y retrouvons-nous pas, nous aussi, la cordiale bonne humeur, le mélange d’esprit aventureux et d’attachement à la terre, la sensibilité honnête et tendre, le bon sens aiguisé, le parler pittoresque de nos populations de l’ouest ? Français et Canadiens, nos âmes communient dans cette œuvre de bonne foi. Nous y percevons la réalisation de cette maxime, par laquelle l’auteur termine son récit : « Au pays de Québec rien ne doit mourir et rien ne doit changer. »
Rarement aussi, il faut le dire, auteur fut mieux approprié à son ouvrage. C’était une nature peu commune que Louis Hémon. Deux passions avaient rempli son âme d’adolescent : les sports et la méditation. Il se livrait avec fougue aux exercices physiques ; et il passait de longues heures, seul, au creux d’un rocher, à suivre d’un œil rêveur le mouvement des vagues. Il avait soif de vie active, de luttes, de risques, de dangers ; et, replié sur lui-même, il entendait chanter dans sa mémoire les vers de ses chers poètes français ou anglais, ou il s’offrait amoureusement aux inspirations de la nature.
Il était diplômé de l’École des langues orientales et licencié en Droit. Mais, s’il se mit à écrire, c’est simplement parce que ses observations et ses réflexions