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MARIA CHAPDELAINE

Personne ne parlait encore ; ni les deux hommes, qui écoutaient en hochant parfois la tête, comprenant tous les détails de la tragique aventure ; ni la mère Chapdelaine, dont les mains s’étaient jointes sur ses genoux comme pour une imploration tardive ; ni Maria.

— Quand on a su ça, des hommes d’Ouatchouan sont partis, après que le temps s’était adouci un peu. Mais la neige avait couvert toutes les pistes et ils sont revenus en disant qu’ils n’avaient rien vu, voilà trois jours passés. Il s’est écarté…

Tous se redressèrent, avec des soupirs : l’histoire était terminée et en vérité il ne restait plus rien à dire. Le sort de François Paradis était aussi lugubrement certain que s’il avait été enterré dans le cimetière de Saint-Michel-de-Mistassini, au milieu des chants, avec la bénédiction des prêtres.

Un lourd silence pesa sur la maisonnée. Le père Chapdelaine se pencha en avant, les coudes sur ses genoux, cognant machinalement une de ses mains fermées contre l’autre, avec une moue grave.

— Ça montre que nous ne sommes que de petits enfants dans la main du bon Dieu, fit-il. François était un des meilleurs hommes de par icitte pour vivre dans le bois et trouver son chemin ; des étrangers l’engageaient comme guide et il les ramenait toujours chez eux sans