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MARIA CHAPDELAINE

coutumé dans le bois, qu’un peu de misère ne lui faisait pas peur, parce qu’il était décidé d’aller en haut du lac pour les fêtes, et que là où les sauvages passaient lui passerait bien. Seulement — vous connaissez bien ça, monsieur Chapdelaine — quand les sauvages font ce voyage-là, c’est plusieurs ensemble, et avec des chiens. François est parti seul, à raquette, avec ses couvertes et des provisions sur une petite traîne…

Personne n’avait dit un mot pour le hâter ou l’interrompre ; on l’écoutait comme on écoute quelqu’un qui conte une histoire, quand le dénouement approche, visible mais inconnu, pareil à un homme qui vient en se cachant la figure.

— Vous vous rappelez bien le temps qu’il a fait la semaine avant la Noël : il est tombé de la neige en masse, et puis le norouâ a pris. Ça s’est adonné que pendant la tempête François Paradis était dans les grands brûlés, où la petite neige poudre terriblement et fait des falaises. Dans des places comme celles-là, même un homme capable n’a pas grande chance quand il fait ben fret et que la tempête dure. Et si vous vous rappelez le norouâ a soufflé trois jours de suite, dur à vous couper la face…

— Oui. Eh bien ?

Le monologue qu’il avait préparé n’allait pas plus loin sans doute, ou bien il hésitait à pro-