Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/156

Cette page a été validée par deux contributeurs.
132
MARIA CHAPDELAINE

non seulement dans la maison, mais sur l’univers entier ; toutes les créatures vivantes et toutes les choses restaient muettes et attendaient anxieusement cette nouvelle qui était d’une si terrible importance, puisqu’elle touchait le seul homme au monde qui comptât vraiment.

— Voilà comment ça s’est passé… Vous avez peut-être eu connaissance qu’il était foreman dans un chantier en haut de La Tuque, sur la rivière Vermillon. Quand le milieu de décembre est venu, il a dit tout à coup au boss qu’il allait partir pour venir passer les fêtes au lac Saint-Jean, icitte… Le boss ne voulait pas, comme de raison ; quand les hommes se mettent à prendre des congés de dix à quinze jours en plein milieu de l’hiver, autant vaudrait casser le chantier de suite. Il ne voulait pas et il le lui a bien dit ; mais vous connaissez François : c’était un garçon malaisé à commander, quand il avait une chose en tête. Il a répondu qu’il avait dans son cœur d’aller au grand lac pour les fêtes et qu’il irait. Alors le boss l’a laissé faire, par peur de le perdre, vu que c’était un homme capable hors de l’ordinaire, et accoutumé dans le bois…

Il parlait avec une facilité singulière, lentement, mais sans chercher ses mots, comme s’il avait tout préparé d’avance. Maria songea tout à coup, au milieu de son angoisse : « Fran-