Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/136

Cette page a été validée par deux contributeurs.

arrachait les glaçons formés sur sa moustache, retirait lentement son capot doublé en peau de mouton, et s’installait près du poêle avec un soupir d’aise.

— La pompe ne gèle pas ? demandait-il. Y a-t-il bien du bois dans la maison ?

Il s’assurait que la frêle forteresse de bois était pourvue d’eau, de bois et de vivres, et s’abandonnait alors à la mollesse de l’hivernement, fumant d’innombrables pipes, pendant que les femmes préparaient le repas du soir. Le froid faisait craquer les clous dans les murs de planches avec des détonations pareilles à des coups de fusil ; le poêle bourré de merisier ronflait ; au dehors le vent sifflait et hurlait comme la rumeur d’une horde assiégeante.

— Il doit faire méchant dans le bois ! songeait Maria.

Et elle s’aperçut qu’elle avait parlé tout haut.

— Dans le bois, il fait moins méchant qu’icitte, répondit son père. Là où les arbres sont pas mal drus on ne sent pas le vent. Je te dis qu’Esdras et Da’Bé n’ont pas de misère.

— Non ?

Ce n’était pas à Esdras ni à Da’Bé qu’elle avait songé d’abord.