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Pour quelques semaines le brun de la mousse, le vert inchangeable des sapins et des cyprès ne furent plus qu’un fond et servirent seulement à faire ressortir les teintes émouvantes de cette autre végétation qui renaît avec chaque printemps et meurt avec chaque automne. La splendeur de cette agonie s’étendait sur la pente des collines comme sur une bande sans fin qui suivait l’eau, s’en allant toujours aussi belle, aussi riche de couleurs vives et tendres, aussi émouvante, vers les régions lointaines du nord où nul œil humain ne se posait sur elle.

Mais voici que du nord vint bientôt un grand vent froid qui ressemblait à une condamnation définitive, à la fin cruelle d’un sursis, et présentement les pauvres feuilles jaunes, brunes et rouges, secouées trop durement, jonchèrent le sol ; la neige les recouvrit et le sol blanchi ne connut plus comme parure que le vert immuable des arbres sombres, qui triomphèrent, pareils à des femmes emplies d’une sagesse amère, qui auraient échangé pour une vie éternelle leur droit à la beauté.

En novembre, Esdras, Da’Bé et Edwige Légaré repartirent pour les chantiers. Le père Chapdelaine et Tit’Bé attelèrent Charles-Eugène au grand traîneau à bois et charroyèrent laborieusement les troncs coupés qui furent empilés de nouveau près de la maison ; quand cela fut fait les deux hommes prirent le « goden-