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MARIA CHAPDELAINE

s’enfoncèrent dans le bois, enjambant les arbres tombés, cherchant du regard autour d’eux les taches violettes des baies mûres.

— Il n’y en a pas guère cette année, dit François. Ce sont les gelées de printemps qui les ont fait mourir.

Il apportait à la cueillette son expérience de coureur des bois.

— Dans le creux et entre les aunes, la neige sera restée plus longtemps et les aura gardés des dernières gelées.

Ils cherchèrent et firent quelques trouvailles heureuses : de larges tales d’arbustes chargés de baies grasses, qu’ils égrenèrent industrieusement dans leurs seaux. Ceux-ci furent pleins en une heure ; alors ils se relevèrent et s’assirent sur un arbre tombé pour se reposer.

D’innombrables moustiques et maringouins tourbillonnaient dans l’air brûlant de l’après-midi. À chaque instant il fallait les écarter d’un geste ; ils décrivaient une courbe affolée et revenaient de suite, impitoyables, inconscients, uniquement anxieux de trouver un pouce carré de peau pour leur piqûre ; à leur musique suraiguë se mêlait le bourdonnement des terribles mouches noires, et le tout emplissait le bois comme un grand cri sans fin. Les arbres verts étaient rares : de jeunes bouleaux, quelques trembles, des taillis d’aunes agitaient