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lui donner des tapes amicales sur l’épaule en disant d’un ton mi-attendri et mi-moqueur : « Bah ! elle n’est pas méchante, Lizzie ! », ces témoignages d’amitié ne l’atteignirent guère plus profondément que ne l’avaient fait les offenses. Elle les reçut avec le même sourire faible, qui semblait une façade de charme inoffensif et doux devant des espaces vagues, des limbes obscurs qu’elle-même ne connaissait pas.


Le samedi où elle toucha pour la première fois son salaire de la semaine, la journée de travail avait été courte ; et quand elle sortit de l’usine, c’était encore le grand jour de l’après-midi, un jour clair qui donnait à Commercial road un air de fête. Tous ces gens qui passaient sur le trottoir avaient comme elle fini leur travail et rentraient chez eux. Les voitures et les camions passaient très vite, bruyamment, dans la hâte de la dernière course, et toutes les figures avaient déjà pris leur air de vacances. Lizzie s’en alla par les rues, contente de sentir le bon soleil sur sa nuque, et songeant aux huit shillings qu’elle tenait dans sa main fermée. Les poches n’étaient pas assez sûres : il s’y trouverait probablement quelque trou insoupçonné, et l’idée de sa semaine de travail semée au hasard des ruisseaux la secouait d’un frisson d’horreur. Il était à la fois plus prudent et plus agréable de tenir l’argent dans le poing bien serré.

Ce ne fut qu’après un peu de temps qu’elle s’avisa que cet argent étant bien à elle, elle pouvait se demander comment elle allait le dépenser, et il lui vint presque tout de suite à l’idée que ses parents s’attendraient certainement à en recevoir une partie. Elle n’était pas très sûre que ce fût juste, et elle savait fort bien que cela lui serait désagréable ; mais elle savait aussi qu’il serait inutile de résister.

Elle s’arrêta un instant, et ouvrant la main, contempla son trésor ; il y avait deux demi-couronnes et trois shillings séparés. Alors, une vague d’héroïsme l’envahit toute, et elle décida soudain qu’elle ne garderait pour elle que les trois shillings. Elle sacrifiait ainsi toute idée d’achats magnifiques, car on ne peut avoir grand’chose pour trois shillings ; mais il y aurait encore de quoi acheter des portions de poisson frit et de pommes de terre pour Bunny et elle, puis deux glaces, deux places au théâtre, et peut-être resterait-il encore de quoi acquérir un collier de perles, le lendemain matin, dans Middlessex street.

Quand elle arriva chez elle, elle trouva Mr. Blakeston père qui semblait attendre. Il fit observer que c’était vraiment bien agréable d’avoir ainsi la moitié de la journée de libre ; puis il demanda avec simplicité :