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PRÉFACE

sentait singulièrement paresseux et resta une demi-heure encore entre ses couvertures, plein d’indécision. Il se leva pourtant et marcha jusqu’à la fenêtre. La première bouffée de vent qui lui souffla à la figure lui rendit tout son courage et il sentit monter en lui en même temps la vigueur de ses vingt-cinq ans et le dégoût de la servitude. Il saisit les vêtements qu’il avait exhumés trois jours auparavant et le contact de la laine rude sur la peau, en lui rappelant le passé, l’emplit d’une fièvre joyeuse. Tout en s’habillant ainsi, il parlait à voix basse au chien, qui suivait des yeux tous ses mouvements ! « Vois-tu ! Nous avons trop attendu, Jérôme, mais il est encore temps. Je ne me rappelais plus à quoi ça ressemblait, la liberté, et voilà que je me souviens. Tu n’as pas lu le livre de la « Jungle », Jérôme ? Nous aussi, nous allons avoir notre course du printemps. »

Le Secrétaire particulier avait sans doute, dès ce moment, rompu tous les liens de conscience qui pouvaient l’attacher encore au monde civilisé, car il sortit, non pas en enjambant la fenêtre, comme il faisait parfois en certaines heures d’abandon, mais en la franchissant d’un saut, ainsi que, cinq ans plus tôt, il passait les haies dans sa foulée, sur une piste au gazon ras. Son élan l’emporta au milieu d’une plate-bande de géraniums qu’il écrasa sans remords, et, d’un autre bond, par-dessus la barrière du jardin.

Ce fut la première d’une longue série de nuits sauvages, au cours desquelles le jeune homme, toujours suivant le vieux chien, redescendit, degré par degré, vers la simplicité de la création primitive. Du matin au soir, Jean Grébault, secrétaire particulier du Préfet