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La marquise haussa les épaules.

— Tu dis des bêtises !… tu oublies que prochainement Bijou nous « lâchera » — comme tu le dis si élégamment — d’une façon définitive…

— Comment !… elle va se marier ?…

— Dame… je l’espère !…

— Vous avez quelqu’un en vue ?… — demanda M. de Rueille, mécontent.

— Non, pas du tout !… mais enfin, ce quelqu’un peut se présenter d’un jour à l’autre… non pas ici, bien entendu… il n’y a, dans le pays, rien qui puisse convenir à Bijou… mais il est probable qu’à Paris, cet hiver…

Henry de Bracieux, un beau garçon de vingt-cinq ans qui ressemblait beaucoup à sa sœur Bertrade, écoutait, les sourcils rapprochés, le visage sérieux. Il manqua un carambolage facile, et, comme son beau-frère s’en étonnait :

— Ah zut !… il fait trop chaud pour jouer au billard !… je vais dormir dans le hamac !…

Sa sœur le regarda sortir et murmura à l’oreille de la marquise :

— Lui aussi !…

La vieille femme répliqua, avec un peu d’humeur :

— Bijou ne peut pourtant pas épouser toute la famille !… Et puis, taisons-nous… la voilà !…

Et effet, la silhouette fine de la jeune fille apparaissait dans la porte qui ouvrait sur le perron. Sans entrer, elle demanda :

— Combien de personnes à dîner jeudi, grand’mère ?…