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tenant s’apercevait qu’il subissait, lui aussi, ce charme.

Son amour pour Lisette, jusqu’ici l’avait défendu. Il aimait de tout son cœur la petite créature fidèle et dévouée qui, depuis près de deux ans, lui donnait toute sa vie, sans accepter autre chose que des fleurs ou des souvenirs sans valeur. Lisette, qui gagnait huit cents francs par mois au théâtre de Pont-sur - Loire, avait nettement déclaré qu’elle entendait ne recevoir aucun cadeau sérieux, et toute insistance l’eût froissée ou éloignée de lui. Mais il aimait peut-être plus encore l’âme délicate et le cœur exquis de la jeune femme que sa beauté très pure : une beauté pénétrante et rare, mais sans éclat, près de laquelle il se sentait heureux d’un bonheur très reposé et très doux. Et, depuis qu’il faisait attention à Bijou, — qu’il n’avait guère jusqu’ici regardée, — il ressentait un trouble dont il ne s’expliquait pas la violence. En vain se répétait-il que Lisette, avec ses grands yeux si bons, sa peau fine et fraîche, ses dents éclatantes et son corps élégant et beau, était plus jolie que mademoiselle de Courtaix, c’étaient les yeux pervenche, les cheveux frisés et les lèvres friandes de Bijou qui appelaient, lui semblait-il, les tendres caresses, les baisers fous.

Lisette, sans deviner encore que son bonheur était menacé, sentait pourtant une inquiétude s’emparer d’elle et attrister son cœur. Elle ne pouvait pas comprendre pourquoi Bernès répondit sèchement à sa question :