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— Oh !… une gaie !… si on veut !… tu disais tout à l’heure que Jean était un faux aveugle… eh bien, toi, tu es une fausse gaie… une gaie quand il y a quelqu’un qui te regarde…

Sans répondre, la jeune femme montra Bijou.

— C’est une vraie gaie, celle-là !… n’est-ce pas, grand’mère ?…

Bijou, après avoir distribué des fleurs aux enfants, disait à l’abbé Courteil :

— Vous aussi, monsieur l’abbé, je veux vous fleurir !… tenez !… dites un peu qu’elle n’est pas belle, cette rose ?… ah !… pour une belle rose, c’est une belle rose !…

Et elle lui tendait une rose énorme, étalée et épaisse, qui ressemblait à un chou.

L’abbé s’était levé sans lâcher le sac qui contenait les numéros du loto, et il reculait effaré, balbutiant :

— Mademoiselle… cette fleur est superbe… seulement… je ne saurais où la mettre… les boutonnières de ma soutane sont toutes petites… jamais la queue n’y entrera… je vous suis reconnaissant, mademoiselle… je suis très touché… je… mais il n’y a pas de place… il…

Elle répondit en riant :

— Il y en a dans votre ceinture de la place, monsieur l’abbé !… là !… tenez !… on dirait qu’elle est faite pour ça !…

De très loin, elle planta la longue queue de la fleur entre la ceinture et la soutane de l’abbé, qui remercia, saluant gauchement :