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caractère antiprogressif de son système : mais comme l’a observé M. Challemel Lacour[1], « toute doctrine philosophique a une physionomie individuelle », d’où je conclus qu’Hegel, contredisant sa théorie par son propre exemple, affirmait, au moment où il niait l’individu, une des plus fortes individualités que l’humanité ait produites.

L’État est statique : les effets dynamiques proviennent d’individualités et de minorités. Ce ne sont pas les gouvernements qui ont produit les grandes découvertes ni réalisé les grandes inventions. Presque toujours, ils ont commencé par les nier ou les repousser, quand ils n’en ont pas persécuté les auteurs[2].

Qu’on ne m’objecte pas l’action qu’a eue sur ses peuples un Pierre le Grand qui a essayé de révolutionner la Russie, car que représentait-il ? non, la notion abstraite de l’État, mais une puissante individualité qui, placée sur le trône, a essayé de faire marcher son peuple. Il y a quelques exemples semblables dans les gouvernements absolus. Tel Napoléon, rétrograde en France, et révolutionnaire à l’étranger.

Tout individu est chargé de sa conservation sous peine de souffrance et de mort. S’il néglige ce soin, s’il ne sait pas s’adapter au milieu dans lequel il est placé, la sanction est beaucoup plus sensible pour lui que pour tout autre. S’il est plus intéressé à sa conservation et à son développement que n’importe quel étranger, c’est commettre une erreur que de vouloir se substituer à lui.

  1. Introd. à l’Histoire de la philosophie de Ritter.
  2. V. Yves Guyot. L’inventeur. Paul Leroy-Beaulieu. L’État moderne, p. 49.