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menaces d’accidents prémédités dans le fond de la mine ! Un éboulement volontaire qui écrase les membres d’un camarade est si facile !

La grève est le grand instrument de guerre. Ce n’est point, pour les socialistes, un acte économique. C’est le combat d’avant-garde, destiné à aguérir les troupes, à user et à fatiguer l’ennemi.

En 1880, quand une grève éclata dans l’industrie textile du Nord, à Tourcoing, à Lille, à Halluin, à Armentières, le Révolté de Genève disait :

« Cette grève prenait au commencement des allures assez sérieuses ; il s’agissait d’employer la dynamite.[1] »

« Même une grève vaincue, dit Benoît Malon, a son utilité si on ne s’en sert, comme le recommande Lafargue, avec tant de raison, que comme un moyen d’ébullitionner les masses ouvrières[2] ».

Quoique imprimé, ce conseil fait partie du socialisme ésotérique, mais, avec raison, les prêtres du socialisme se disent qu’ils n’ont pas à se gêner ; que les initiés seuls connaissent leurs vrais projets, car leurs adversaires ne se donnent pas la peine de les étudier ; et, en effet, ils ne se gênent pas. Ils ont une merveilleuse impudence dans l’hypocrisie. Oubliant qu’ils ont déclaré eux-mêmes que la grève était une arme de guerre entre leurs mains, et rien de plus, aussitôt qu’ils sont parvenus à en fomenter une, ils s’écrient que les patrons l’ont provoquée ; ils se répandent en jérémiades de mendiants : ils geignent

  1. Cité par la Grande Revue, 12 janv. 92.
  2. Benoît Malon. Le Nouveau parti, p. 90.