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travail dépassant toujours la demande, le consommateur de travail pouvait toujours l’obtenir au prix le plus bas. Mais immédiatement, il l’infirmait : car il en exceptait l’agriculteur « avec qui la nature ne marchande point pour l’obliger à se contenter du nécessaire absolu, » et « qui peut avec le superflu que la nature lui accorde, en plus ou au delà du salaire de ses peines, acheter le travail des autres membres de la société. Il est donc l’unique source des richesses… »

Que nous révèlent ces lignes ? C’est que Turgot a voulu prouver la supériorité du travail agricole sur tout autre travail ; et, à son époque, la thèse n’était pas difficile à justifier. Tous les physiocrates prétendaient que la seule richesse venait de la terre, et parce que, d’une observation incomplète, ils en sont arrivés à cette erreur, s’ensuit-il que l’erreur de Turgot relative au prix de la main-d’œuvre soit une vérité, même si elle a été reprise par Ricardo ?

C’est à cet économiste anglais[1] que Lassalle l’emprunte : « D’après Ricardo, dit-il, la moyenne du salaire du travail est fixée d’après les besoins indispensables à la vie. » Lassalle a altéré le texte de Ricardo, beaucoup moins affirmatif. « Le prix naturel du travail, dit Ricardo[2], est celui qui fournit aux ouvriers en général le moyen de subsister et de perpétuer leur espèce sans accroissement ni diminution. Le prix naturel du travail dépend donc du prix des subsistances et de celui des choses nécessaires ou utiles à l’entretien de l’ouvrier et de sa famille. »

  1. Né en 1778, mort en 1823.
  2. Principes d’économie politique, ch. IV.