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des parents de tous degrés et les esclaves. Il est la seule individualité qui existe dans la tribu, car seul il a le droit de commander ; et cependant sa propre décision est subordonnée au culte des morts, aux coutumes des ancêtres, aux ordres des dieux. En réalité, dans ce type de civilisation, personne ne peut penser par soi-même, agir par sa propre initiative, essayer de diriger sa vie comme il l’entend.

Quand les réunions de tribus ont constitué la Cité, que cette Cité soit gouvernée par une oligarchie, un conseil démocratique ou un tyran, aussi bien dans la libérale Athènes que dans Rome la patricienne, l’individu n’a pas d’existence propre. Aristote, comme Platon, n’en fait qu’une molécule passive. Le scepticisme à l’égard des dieux est puni par la ciguë de Socrate. La Cité est tout : et lorsque devenant l’Empire, Rome s’incarne dans un homme : Tu omnia ! « Tu es tout ! » crie le Sénat en acclamant Probus ; et comme héritiers de la même idée, nos légistes décernent cette omnipotence à Philippe le Bel, et Bossuet, au nom de l’Écriture Sainte, à Louis XIV, si bien que le débonnaire Louis XVI, se figurant encore, à la veille de 1789, qu’il était le maître absolu de ses sujets, de leurs biens et de leurs destinées, disait à Malesherbes : — C’est légal parce que je le veux !

Dans toutes ces civilisations, nous constatons donc l’esclavage de la pensée, l’interdiction à l’individu d’avoir une doctrine que ne fût pas orthodoxe. Et depuis quand en sommes-nous affranchis ? il n’y a pas quinze ans, qu’en dépit des éditions multiples de Voltaire, c’était encore un grave délit de tourner en dérision un culte reconnu par l’État. À défaut de foi,