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des socialistes, cette réclamation pourrait nous surprendre ; car elle est en contradiction avec le but final que les mêmes congrès poursuivent : « l’abolition du patronat et du salariat. » Qu’est-ce donc que le marchandage, sinon une première étape vers la substitution de l’entreprise au salaire ?

Les ouvriers qui marchandent un travail deviennent les maîtres de l’œuvre qu’ils font. Ils gagnent plus ou moins, selon la justesse de leurs calculs ; ce sont des entrepreneurs qui ne sont plus des ouvriers astreints à la surveillance du patron ; ils ne relèvent plus que d’un seul contrôle : celui de la livraison de leur travail dans les conditions déterminées. Il en est de même, à un moindre degré, pour le travail aux pièces.

Dans le travail à la journée, l’ouvrier est soumis à la surveillance incessante de l’employeur. C’est là que véritablement celui-ci est patron. Il a le droit de voir si l’ouvrier flâne ou travaille. Il a le droit de lui rappeler qu’il ne doit pas bâiller aux corneilles puisqu’il est payé pour s’occuper. Le travailleur à la journée est donc sous la direction personnelle et brutale de celui aux ordres de qui il se trouve. L’esclave non plus ne travaillait pas aux pièces. Il travaillait à la journée ; et le fouet et le rotin du commandeur s’abattaient sur ses épaules, s’il flânait. Aujourd’hui, c’est le reproche injurieux qui peut atteindre l’ouvrier et, comme sanction définitive, le renvoi.

Avec le marchandage et le travail aux pièces, les travailleurs acquièrent l’indépendance qui résulte toujours pour l’homme de la substitution d’un contrat réel — visant la chose, l’objet — à un contrat personnel — ayant pour objet la personne.