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de l’École tout bourrés de mathématiques. A quoi sont-ils destinés ? A surveiller le pansage des chevaux, le fourniment des équipages et des soldats et à faire de temps en temps tirer quelques coups de canon. Belle occupation vraiment ! Aussi l’officier qui, le plus souvent, avait aspiré à entrer dans le corps des ingénieurs, en est-il vite dégoûté. Il profite de sa liberté pour s’amuser, et comme, en général, il a une certaine fortune, parce qu’on ne sort guère de l’École polytechnique si on n’a pas d’argent, il trouve toutes les facilités désirables pour jeter ses gourmes. Il est si heureux de n’avoir plus de cours à suivre ni d’examens à passer ; il a pris en telle aversion l’étude, parce qu’il en est saturé et qu’il ne peut plus en absorber, qu’il jette toute espèce de livres de côté, ne quitte pas le café, où il fume et boit sans cesse, etc. — A trente ans, me disait l’un d’eux, nous sommes fatalement perdus.

Pourquoi donc, si vous tenez à conserver une armée permanente, dirai-je encore à l’État, ne créez-vous pas, à tous les jeunes gens, des occupations qui les sauveraient de l’ennui, de l’abrutissement, et leur permettraient d’utiliser l’énergie qui les brûle et les consume en vain ? N’y a-t-il donc rien à faire ? N’êtes-vous donc pas capable de leur créer des travaux ? Je ne demande pas qu’on les leur impose, mais donnez un but à tous les jeunes gens, et tous s’empresseront de concourir ? Que ces études ne soient pas spéciales à leur arme, qu’elles n’aient qu’un caractère scientifique, qu’importe ? Elles seraient utiles, et c’est l’utilité qu’il faut chercher avant tout. Les meilleurs ouvrages sur les chemins de fer, en Prusse, ont été publiés par des officiers du génie. Croit-on que ces études n’ont pas servi aussi à leurs travaux stratégiques ? Et nos officiers, bercés au contraire dans la vieille tactique routinière, qui ne tient pas compte des modifications apportées par les nouvelles conditions des peuples, laissent nos têtes de chemins de fer complètement à la disposi-