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qui a eu lieu pour y arriver est-elle en rapport avec lui !

En outre, rien de plus aristocratique que cette École : il faut être riche pour y entrer ; l’éducation que nécessite son admission coûte cher, et le prix de la pension est élevé.

Ensuite, vous en sortez ingénieur tout jeune, bourré de mathématiques, mais incapable de faire le moindre travail. A côté de vous, — non, — sous vos ordres, il y a un conducteur des ponts et chaussées, plus intelligent que vous, sachant mieux dresser un plan, concevoir et exécuter un projet. Il est depuis vingt ans dans le métier ; il l’a étudié, il l’a pratiqué. Il peut avoir une profonde intelligence ; mais il n’a pas eu le moyen d’aller à l’École polytechnique ; il a été obligé pour soutenir sa vieille mère de se hâter d’entrer dans cette administration, où il a dû déposer l’espoir à la porte, comme les damnés de Dante : car il est condamné à ne jamais dépasser son grade, il doit mourir conducteur des ponts et chaussées, il lui est interdit d’avoir une ambition plus élevée ; toute sa vie, malgré le talent qu’il pourra avoir, le génie qui pourra l’inspirer, il sera soumis à un ingénieur qu’il n’égalera jamais. Maintenant, tout soldat porte dans sa giberne le bâton de maréchal : pourquoi donc n’en est-il pas partout ainsi ?

Croyez-vous donc que, dans cette pépinière de jeunes conducteurs, ne se trouvent pas des hommes de mérite et qui n’attendent que des encouragements et de l’indépendance pour se distinguer. Le corps des ponts et chaussées obtient-il donc, avec son organisation actuelle, des succès si brillants qu’il faille le maintenir à toute force ? Voyez la critique qui en a été faite à la dernière cession du Corps législatif : « Les ponts et chaussées emploient quelques milliers de francs partout où un agent voyer en dépense quelques centaines, et ce n’est pas mieux. » Donc, puisque vous ne pouvez invoquer cette considération, mettez fin, et le plus tôt possible, à cet état de choses. Vous ferez un acte