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messieurs ont fait, quelque chose. Personne n’a jamais dit le contraire ; on a toujours reconnu que tous les anciens élèves de la célèbre École n’étaient pas des nullités. Mais il ne prouve pas, il ne peut pas prouver que tous ceux qui en sortent soient de grands hommes. Certes, nous ne demandons pas l’impossible, mais nous demandons que les résultats soient en raison de l’effort. Quod est demonstrandum.

Lisez cette confession d’un ingénieur que nous révèle Balzac, dans le Curé de village :

« Je frémis aujourd’hui, quand je pense à l’effroyable conscription de cerveaux livrés chaque année à l’État par l’ambition des familles qui, plaçant de si cruelles études au temps où l’adulte achève ses diverses croissances, doit produire des malheurs inconnus, en livrant à la lueur des lampes certaines facultés précieuses qui, plus tard, se seraient développées grandes et fortes...

« L’État, en France, est sans entrailles ni paternité ; il semble faire ses expériences in animâ vili. Jamais il n’a demandé l’horrible statistique des souffrances qu’il a causées ; il ne s’est pas enquis, depuis trente-six ans, du nombre de fièvres cérébrales qui se déclarent, ni des désespoirs qui éclatent au milieu de cette jeunesse, ni des destructions morales qui la déciment.

« Tels sont les efforts que la France demande aux jeunes gens qui sortent de cette École (polytechnique). Voyons maintenant les destinées de ces hommes triés avec tant de soin dans toute la génération ?

« On entre à l’École des ponts et chaussées ; on en sort à vingt-quatre ans ; on est alors ingénieur aspirant aux appointements de 150 francs par mois.

« Par un bonheur inouï, peut-être à cause de la distinction que mes études m’avaient value, je fus nommé à vingt-cinq ans, en 1828, ingénieur ordinaire ; on m’envoya dans une sous-préfecture, à 2,500 francs d’appointements. Quel