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hommes faits ne peuvent pas résister. Au lieu d’êtres étiolés, chétifs, que l’ennui livre aux plus pernicieuses et aux plus funestes habitudes, il s’attachait à former des esprits sains dans un corps sain en multipliant les exercices corporels, en plein air. Il variait les études selon les facultés de chaque élève. Et enfin, disons-le, pour montrer l’esprit libéral qui avait présidé à sa fondation, les élèves de religions dissidentes n’en étaient pas exclus. Malheureusement, le directeur actuel n’a pas eu le talent nécessaire pour perpétuer ces traditions et il a commencé par en faire un établissement exclusivement catholique.

Quand donc l’esprit libéral pénétrera-t-il dans l’éducation ? Quand donc parents et professeurs cesseront-ils de combattre le développement intellectuel qu’ils devraient favoriser de toute leur puissance ?

Les hommes qui sont à la tête du gouvernement ne connaissent jamais les causes intimes qui amènent les effets les plus pernicieux. Ils ne tiennent jamais compte des individus. Ils n’ont confiance qu’en leurs lois et leurs règlements. Ils croient qu’en publiant un décret, ils ont tout fait. Ils sont convaincus qu’on doit marteler l’homme comme une barre de fer et que plus il est forgé, meilleur il est.

S’ils connaissaient les souffrances intimes qu’occasionnent leurs lois et règlements ; s’ils savaient quelle perte de force immense résulte de la lutte qu’ils obligent tous les hommes à engager contre leurs institutions ; s’ils savaient quelles entraves ils mettent au progrès en empêchant les fortes personnalités de se produire, en leur faisant perdre la plus grande partie de leur énergie dans des combats stériles ; s’ils savaient quelle immense lacune ils creusent dans l’existence de chaque homme, en le faisant se livrer pendant douze ans à des travaux inutiles, et en le forçant de passer autant de temps à combler cette lacune : certes, il n’est pas à douter qu’à moins qu’ils ne fussent plus rétifs que tous les mulets du monde, ils ne se hâtassent de changer