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« Chacun n'apprenant ainsi que ce qu'il préférera apprendre et que ce qu'il sera utile qu'il sache, il y aura plus d'hommes spéciaux, et il y aura moins d'hommes superficiels qui, ayant la prétention d'être aptes à tout, ne sont en réalité aptes à rien : ce sera un double progrès.

« D'un élève qui, naturellement et sans efforts, eût pu devenir un bon littérateur, que gagne-t-on à en faire un mauvais géomètre ? et d'un élève qui, naturellement et sans efforts, eût pu devenir un bon géomètre, que gagne-t-on à en faire un mauvais littérateur ? On y gagne d'en faire chèrement et laborieusement deux hommes médiocres. C'est donc à cela qu'aboutit la violence intellectuelle exercée sur la liberté des vocations par la tyrannie universitaire ! Mais y a-t-il lieu de s'étonner que, fabrique de médiocrité, l'Université ne produise que médiocrité ? la logique des causes s'atteste par leurs effets. »

Depuis longtemps déjà, d'autres penseurs ont condamné les mauvaises tendances de l'éducation dont on sature les jeunes gens.

Montaigne dit : « Nous ne travaillons qu'à remplir la mémoire et laissons l'entendement et la conscience vides. »

Érasme : « Les premiers qui se présentent sont les vénérables docteurs en grammaire, autrement les pédants… ils se croient les premiers hommes du monde. Ce qui les rend principalement heureux, c'est la haute idée qu'ils ont de leur érudition ; ils ne sèment que des impertinences, que des sottises dans l'esprit des enfants… Ils passent ainsi chez les parents de leurs sujets pour des hommes d'une science profonde, ces sots croyant bonnement tout ce que nos pédants leur disent. »

Voltaire : « Vous m'avez donné là une plaisante éducation… Lorsque j'entrai dans le monde, je voulus m'aviser de parler et on se moqua de moi… Le pays même où je suis né était ignoré de moi ; je ne connaissais ni les lois principales, ni les intérêts de ma patrie… Je savais du latin et