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marquée. C’est vrai ; mais elle n’en existe pas moins et elle se montre tôt ou tard.

Les parents, les hommes sérieux ne l’admettent pas. Joseph Prudhomme est au-dessus de cela.

Tâtez-donc un peu les bosses de vos enfants et voyez quelles sont celles qui sont le plus développées chez eux.

Quel haro on pousserait contre moi si j’allais émettre cette idée dans le sein de quelque honorable famille.

Non, non, ce n’est pas ainsi que cela doit se faire.

Je prends un père entre cent mille ; il dit, en reniflant une prise de tabac :

— J’ai été reçu bachelier, mon fils le sera.

De plus le fils prendra du tabac, aura un gros ventre et un fils auquel il répétera les mêmes paroles, si le baccalauréat existe encore. Et voilà comment se font les éducations. Si le fils a de l’énergie, et s’il ne peut plier ses facultés au niveau universitaire, et si un penchant violent l’emporte vers certaines études et l’éloigne des autres, eh bien ! il passera pour un mauvais élève. Et si enfin, ne pouvant contraindre plus longtemps sa nature, il rompt avec cette éducation qui veut l’atrophier et sous laquelle il ne veut pas se courber, il est repoussé par toute sa famille, mis à l’index et reçoit cette terrible épithète :

— C’est un mauvais sujet !

Voilà l’histoire de mille jeunes gens.

Et ces jeunes gens, en général, sont les meilleurs de la société, ceux qui sont les plus forts, ceux qui pourraient lui rendre de plus de services. Ceux qui, ne succombant pas dans la lutte, malgré le lycée et leur famille, parviennent à s’élever, le prouvent bien.

Voyez tous nos artistes, tous nos littérateurs, tous nos inventeurs, à bien peu d’exceptions près, ils se sont formés seuls, en dépit du lycée, en dépit de leurs parents.

Qu’est-ce donc qu’une éducation qui est en lutte continuelle avec les natures énergiques, au lieu de les développer