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resteront encore. Et puis, comme on sait bien échapper aux dommages-intérêts ! Il y a de si beaux petits moyens pour cela ! La prescription, par exemple. L’inventeur alléguera en vain que la fabrication continue est un délit successif ; le contrefacteur se sauvera par cette arme de coquin.

Et puis qu’importe ? Ils sont dix, ils sont vingt, cent, mille qui entourent l’inventeur ; ils l’égarent dans un labyrinthe de procès dont il ne peut sortir. L’un a-t-il épuisé tous les moyens possibles pour arrêter les travaux de l’inventeur, lui faire perdre son temps, il a un successeur. Un seul est en cause ; les autres payent les violons.

Aussi arrivent-ils à ruiner forcément l’inventeur, obligé de consacrer temps et argent pour se défendre contre cette masse qui l’entoure, le serre, l’accule et l’étouffe.

M. Boquillon dit : « J’ai pu acquérir la triste certitude que le contrefacteur, après avoir payé les frais légaux, peu considérables en matières criminelles, et les dommages-intérêts fixés par les magistrats, se trouvait avoir réalisé des bénéfices considérables. »

Maintenant, une fois que l’inventeur a bien et dûment gagné son procès, il a peut-être le droit de saisir les instruments contrefaits, mais il ne peut exercer ce droit tout simplement, il faut auparavant qu’il dépose un cautionnement ; pourquoi ce cautionnement ? — Prévenu, on ne discute pas avec la gendarmerie : le cautionnement est la consigne, il vous suffit de le savoir. Et si vous oubliez une seule des nombreuses formalités exigées, nouveaux procès !

Aussi il n’y a rien d’étonnant qu’il y ait des maisons de contrefaçon, et qui font très-bien leurs affaires, le plus honnêtement du monde. Il leur suffit d’user de la protection que la loi leur donne.

Pourquoi s’étonner ensuite qu’on voit un inventeur abandonner son brevet, après avoir payé l’amende, découragé, lassé, brisé ; laisser alors aller son œuvre à vau-l’eau,