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Que seraient devenus ces hommes, s’ils avaient reçu une éducation proportionnée à leurs facultés ? Chacun d’eux avait peut-être l'étoffe d’un Riquet ou d’un Pascal ; et, faute d’éducation pour leur révéler leur force, leur permettre d’agrandir le théâtre sur lequel ils travaillaient, d’employer leurs facultés, ils se sont bornés, l’un à diriger son moulin, l’autre à bêcher la terre.

Il faut remédier à un pareil état de choses. Une partie de la société ne doit pas demeurer dans l’obscurité, tandis que l’autre absorbe la lumière. Quand donc ne seront plus vraies ces douloureuses paroles de Voltaire : « Il y a plus de différence entre Descartes et un paysan, qu’entre ce dernier et un cochon. » On lui a reproché ces paroles. Le reproche est injuste, car elles sont vraies. Si jamais vous vous êtes trouvé dans le fond de quelque campagne, vous avez dû être épouvanté de l’absence d’idées, de l’ignorance des moindres choses qui y règne, comme si vous vous trouviez dans le vide et que vous cherchiez en vain quelque aspérité où vous accrocher.

Les hommes qui vivent dans leur cabinet, qui sans cesse remuent des idées, qui apprennent continuellement et ont chaque jour une nouvelle soif d’apprendre, sont bien terrifiés quand ils voient sur une statistique que la proportion des hommes sachant lire est de 28 à 100 ; que la proportion des enfants fréquentant d’une manière assidue l’école est de 46,4 à 100 ; mais ils ne peuvent se figurer, s’ils ne les ont vues, palpées en quelque sorte, les sinistres conséquences de cette ignorance qui s’étend sur près de la moitié de la population française.

Et les gouvernements, qui ont autre chose à faire, qui ont à entretenir une armée, à envoyer des expéditions en Chine ou au Mexique « pour créer des débouchés à nos produits » ne sont pas émus par ce spectacle ! Tranquilles, ils daignent à peine répondre à ceux qui les pressent de faire cesser cette épouvantable disette d’instruction. Ils parlent,