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ses affaires, il faut être honnête avant tout. Cette ligne de conduite, je l’ai toujours suivie, et je me suis préparé ainsi, pour mes vieux jours, ce qu’on nomme une honnête aisance.

« — Une honnête aisance ?... il y a donc aussi des aisances malhonnêtes, mon père ?

« — Oui, mon fils.

« — Je ne savais pas, mon père.

« — Tu es encore jeune ! Je continue. Le scrupule le plus indomptable a toujours été mon égide depuis le commencement jusqu’à la fin de ma carrière. Je veux t’en donner une preuve : Avant d’être fabricant, j’étais marchand ; car il n’est pas toujours indispensable de savoir fabriquer un objet pour se mettre à la tête d’une fabrique de ce même objet.

« — Cependant il me semble, mon père, qu’on ne saurait être un bon chef de fabrique si on ne connaît pas la fabrication de l’objet qu’on fait fabriquer ?

« — Sans doute, tu as parfaitement raison ; mais on peut suppléer aux connaissances qu’on n’a pas, par un certain aplomb vis-à-vis des ouvriers et des clients. Puis on finit par acquérir une routine qui, pour beaucoup de personnes, tient lieu de véritable savoir. Je te disais donc qu’avant d’être fabricant, j’avais fait le commerce et que, dans le commerce comme dans la fabrication, je m’étais toujours montré l’esclave de la probité. Par suite de diverses circonstances qu’il serait trop long d’énumérer, j’avais deux fois déposé mon bilan. Où d’autres auraient offert vingt ou vingt-cinq pour cent à leurs créanciers, je donnai, moi, pour me conformer à ma ligne de conduite, cinquante pour cent !

« — C’est que, sans doute, vous pouviez les donner, mon père ?

« — Parbleu ! si je le pouvais ! es-tu enfant !... Je fis une troisième faillite plus ruineuse que les deux autres. Je voulus, néanmoins, comme dans les précédentes, donner cin-