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lère chaque fois qu’un esprit mal fait ne partage pas leur optimisme. C’est cette immense perte de calorique qui explique la lenteur du progrès.

Il faut donc que nous nous attachions à améliorer le foyer de notre machine. Il faut que nous lui donnions une nouvelle disposition et de meilleurs combustibles. Il faut que sa flamme ait une surface immense comme dans la chaudière tubulaire, et que passant et repassant en mille tours au milieu de la masse à échauffer, elle produise cette force irrésistible qui brise tous les obstacles.

Chauffons donc les cerveaux ; allumons partout de vastes foyers ; jetons-y les combustibles qui s’enflamment le plus facilement, qui produisent le plus de chaleur, afin qu’il n’y ait plus nul être à mourir de froid.

Mais les gouvernements ont peur des incendies et des explosions ; et, au lieu de chercher à faire des foyers qui produisent le plus de chaleur possible, ils s’ingénient à en construire qui ne donnent qu’une toute petite chaleur, juste assez pour ne pas laisser geler ceux qui peuvent s’en approcher…

Ceux qui peuvent s’en approcher, car bien peu sont admis à venir réchauffer à leur flamme leurs pauvres membres grelottants.

Et cependant, si vous leur donniez, à ces pauvres déshérités, la chaleur dont ils ont besoin, quelle force et quelle énergie n’auraient-ils pas ? qui vous dit que le casseur de pierres, que le balayeur des rues, que le manœuvre, ne fût pas devenu un homme de génie, si son cerveau avait reçu le choc qui fait jaillir l’étincelle du silex ? et alors, s’ils sont dix mille dans cette triste position, quel crime de lèse-humanité n’avez-vous pas commis ! J’ai connu un meunier qui a opéré d’immenses travaux de dessèchement, lesquels eussent fait honneur à plus d’un ingénieur, et qui ne savait ni lire ni écrire ; j’ai vu un paysan faire de la trigonométrie, sans le savoir.