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rapporter en la mettant sous son nom, une fois son brevet pris. Vous voulez qu’il ne puisse même pas prendre le brevet sous son nom et que, faute de ressources suffisantes pour obtenir son titre de propriété, il étouffe son invention à sa naissance, en garde à jamais le secret, ou se la laisse voler par quelque escroc auquel il la dévoilera pour essayer d’obtenir les ressources qui lui sont nécessaires pour acheter quoi ? ce titre qu’il n’a pas, qu’il ne peut avoir faute d’argent. Cessez donc de tant craindre les inventions absurdes ; et d’abord, qui vous dit que ce que vous, vous considérez comme absurde n’est pas profondément juste ? N’est-ce pas là le sort commun de toutes les grandes choses ?

Mais allons plus loin 1 J’admets que sur quatre cents inventions pour lesquelles on a pris des brevets, trois cent quatre-vingt-dix-neuf n’ont pas le sens commun, qu’importe si la quatre centième est bonne ? C’est ce qui arrive à l’Académie. Je veux bien croire que la moitié des mémoires et des lettres qu’on lui envoie ne signifient rien ; mais l’autre moitié est bonne ; or les académiciens, par habitude, font de ces mémoires ce qu’Alexandre Dumas faisait de ses lettres : il se trouve de temps à autre qu’une des choses présentées et condamnées est bonne et réussit en dépit de tout. On tombe alors sur l’Académie et on a profondément raison.

Donc, de peur de voir des prises de brevets absurdes, ne découragez pas les vrais inventeurs.

Ensuite, croyez-vous donc que par ce moyen vous restreindrez le nombre des brevets absurdes ? Pas le moins du monde ; proportionnellement il- sera le même, il sera peut-être plus grand.

11 sera le même, car l’inventeur d’une chimère est aussi convaincu que l’inventeur de la plus grande chose qui se puisse trouver ; il est père aussi, lui ; il a créé son œuvre, il l’a réchauffée dans son sein, il l’a élevée et il a la même affection pour elle que peut avoir un moricaud de Guinée