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de principes absolus ; sans cesse ballottés d’une chose à une autre, ils ne peuvent pas plus trouver l’équilibre que le Parisien à son premier voyage de Calais à Douvres quand la mer est un peu forte : ils sont renvoyés, comme un volant, par toutes les raquettes du monde ; et étourdis, confondus par ces chocs successifs, ce va-et-vient perpétuel, ils ne peuvent plus se reconnaître au milieu du labyrinthe des choses humaines et errent au hasard à travers, sans trouver de fil conducteur pour marcher certainement et dire : Voilà le vrai chemin, le chemin de la vérité et de la lumière !

Donc s’ils admettent que l’auteur n’est pas déchu de ses droits parce qu’il garde son livre en portefeuille pendant deux ans, trois ans ou quatre ans, ils croient souverainement juste que l’inventeur n’ait plus droit sur sa création, s’il ne l’a exploitée dans un délai de deux ans. Il ne faut pas que la société soit lésée, disent-ils : il faut qu’elle jouisse !

L’inventeur peut être un paresseux. En général, il n’aime pas les détails financiers, les mille petits ressorts que savent si bien manier les gens d’affaires. Il faut le pousser, le faire sortir de son apathie, le faire se remuer malgré lui.

Mais l’écrivain, en gardant son ouvrage en portefeuille, ne lèse-t-il pas aussi la société ? Ne l’empêche- t-il pas de jouir ? Et cependant vous n’avez nullement l’idée de le forcer à la produire avant l’époque qu’il juge convenable.

Quant à tirer l’inventeur de son apathie, vous proposez une chose que j’appellerai une atrocité, une monstruosité : vous dites que cet homme est inhabile de sa nature à exploiter son invention ; et alors, au lieu de le laisser tranquillement chercher les moyens les plus avantageux possibles pour la mettre en circulation, vous le pressez, vous le harcelez comme les banderillos un taureau , et vous le jetez ahuri sur l’épée de n’importe quel spéculateur qui s’emparera de son œuvre et l’exploitera à son profit. Certes, c’est un merveilleux moyen de lui rendre service, de le forcer