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nous, qui parle notre langue et qui, sous tant de rapports, nous devance, dans sa loi du 24 mai 1854 qui est la plus libérale qui ait encore paru, n’a pas osé s’affranchir complètement des préjugés qui existent encore. Cette loi n’est encore qu’un simple compromis, le brevet n’est qu’un privilège un peu plus favorable qu’il ne l’est dans les autres pays, mais n’est qu’un privilège.

Quand donc pourrons-nous nous affranchir de « ce système bâtard qui entrave le progrès industriel et n’enrichit personne ? » (H. Castille.)

Qui entrave le progrès industriel : oui certes, dirai-je avec M. H. Castille. Je l’ai déjà assez prouvé.

« Qui n’enrichit personne, » ajoute-t-il. Ici je me sépare de lui. Oui, la loi sur les brevets actuels enrichit quelqu’un ; mais ce quelqu’un n’est pas l’inventeur ; ce n’est pas le créateur de l’œuvre qui en profite, lui n’a aucun espoir à en attendre ; il ne doit jamais compter sur les profits qu’elle pourra lui rapporter. Ceux qu’elle enrichit, ce sont les riches spéculateurs qui ont le moyen de se passer une fantaisie de quelques milliers de francs et qui achètent alors son invention à l’inventeur aux abois ; ce sont les loups-cerviers à la piste de tous les malheureux égarés dans les sentiers difficiles de cette plaine aride qu’on appelle l’invention et qu’ils dévorent dès qu’ils les voient las et découragés. Voilà ceux que notre loi enrichit, ceux à qui elle profite ; mais quanta l’inventeur, il n’a rien à attendre d’elle.

« Parmi les poëtes et les artistes, parmi ce peuple à part qui crée ou, si vous voulez, qui combine, la classe la plus incomprise, la plus durement traitée par la loi est celle des inventeurs. Anomalie singulière si l’on daigne considérer que de tous les producteurs intellectuels , ce sont ceux de l’invention qui facilitent, sur la plus large échelle, la génération des produits matériels. »