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PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE 347

public, et dans le cours des dix années qui suivront l’inventeur pourra demander une indemnité d’expropriation à l’Etat. »

Cette mesure vaut mieux que celle proposée par M. Breulier, du moins elle reconnaît plus formellement le droit de l’inventeur ; si son œuvre tombe dans le domaine public, par le fait seul du temps, il ne perd pas tout droit sur elle, il peut demander à l’État une indemnité.

Mais cette mesure n’est encore qu’une demi-mesure, ce n’est pas une mesure radicale.

L’invention tombe encore forcément dans le domaine public; une fois qu’elle est devenue la propriété de tous, l’inventeur peut demander une indemnité d’expropriation. M. Corbin ne s'est donc pas aperçu qu’il y a contradiction dans les termes du système qu’il a proposé, car on ne peut exproprier une chose qui est devenue la propriété de tous par le fait seul du temps ? A quoi bon, je vous le demande ? Et puis comment l’inventeur pourra-t-il réclamer son droit ? Vous savez que le domaine public lâche difficilement ce qu’il tient ; je n’ai pas besoin de vous citer le procès qui traîne depuis tant d’années à propos des terrains con- cédés dans la baie du Mont-Saint-Michel. Or s’il commençait par prendre l’œuvre, que répondrait-il à l’inventeur qui viendrait la lui réclamer? il répondrait : Nous possédons ! Et quel recours pourrait avoir l’inventeur contre lui ? Ne serait-il pas forcé de lui abandonner une œuvre qui ne lui appartient déjà plus, parce que dix ans se sont écoulés ? Il y aurait, il est vrai, un jury d’expropriation; — tout ce que vous voudrez, mais pourquoi ce jury accorderait-il une forte indemnité à l’inventeur ? Il n’a pas besoin de prendre son œuvre; il l’a, elle est à lui, et les jurés, en hommes de bon sens, penseront qu’on paye toujours assez cher ce qu’on possède déjà.

L’inventeur donc, par cela même qu’au bout de dix ans il n’est plus propriétaire de son invention, ne peut être ex-